30 bougies pour la nouvelle orthographe!

Les difficultés de l’orthographe française sont parfois instrumentalisées pour accentuer et maintenir les iniquités sociales. Est-ce vraiment la fonction que nous voulons donner à notre langue?

Chez En Clair, nous pensons autrement.

Utiliser un langage plus transparent sans en ternir l’éclat, manier une orthographe plus logique sans en perdre la richesse, c’est ce qui rendra notre langue plus accessible tout en assurant sa fonction première : le vivre-ensemble!

D’ailleurs, le texte qui suit applique les nouvelles recommandations orthographiques. Saurez-vous reconnaitre les mots rectifiés?


Celle que nous appelons encore « la nouvelle » n’est plus si jeune, en réalité.

L’histoire de la nouvelle orthographe commence effectivement il y a plus de 30 ans.

En 1989, d’éminents linguistes français font paraitre le texte-manifeste « Moderniser l’écriture du français » à la une du journal Le Monde. Leur thèse : l’orthographe doit se moderniser au rythme de la société.

La même année, un groupe d’experts reçoit le mandat de dresser une liste de propositions pour supprimer des anomalies et des difficultés superflues de l’orthographe française.

En 1990, l’Académie française accepte ces rectifications à l’unanimité.

L’Académie, oui… mais nous, les francophones? Les avons-nous acceptées?

30 ans plus tard, alors que les technologies du XXIe siècle auraient pu favoriser la diffusion de l’orthographe rectifiée à travers la francophonie, peu la connaissent, et beaucoup s’en méfient.

« Une langue est vivante, sa graphie également ».

Tel est l’argument central des 10 linguistes signataires du manifeste de 1989.

L’orthographe française a sans contredit ses charmes, ses richesses et ses caprices, mais comme tout système culturel et politique, si elle veut rester vivante, elle doit évoluer en fonction de la langue qu’elle transcrit et de la population qui l’utilise.

Prenons le système scolaire comme exemple d’évolution culturelle et politique. Il n’y a pas si longtemps, l’orthographe était au centre des apprentissages. La dictée quotidienne et les cours de grammaire occupaient le plus clair du temps des élèves, à qui on répétait à l’envi que « bonhomme » prend 2 « m » alors que « bonhomie » n’en prend qu’un, et que les traits d’union se mettent exclusivement entre les dizaines et les unités dans les nombres.

L’éducation a toutefois changé de visage. L’informatique, l’éthique, l’univers social, la santé, l’environnement, les arts et les langues étrangères ont pris une importance considérable dans le système scolaire contemporain.

Devrions-nous rejeter ces nouvelles sphères de connaissance afin d’accorder plus de temps au participe passé de « dissoudre » et aux 3 mots masculins qui deviennent féminins au pluriel? Ne devrions-nous pas plutôt rectifier ces anomalies pour aller vers une orthographe plus simple et logique?

Bien des légendes entourent les rectifications orthographiques proposées.

Les recommandations ont atteint les francophones au compte-goutte, sans visée globale et sans méthode. Normal, dans ces circonstances, de laisser aller son imagination et de croire les rumeurs.

On doit maintenant écrire « des chevals », c’est terrible!

Non, nous ne devons pas écrire « des chevals ». Cette légende urbaine, sortie d’on ne sait où, a tôt fait d’entacher la réputation de la nouvelle orthographe au Québec, de pair avec d’autres idées reçues.

L’accent circonflexe n’existe plus! Ça y est, on ne reconnaitra plus les mots.

Non, l’accent circonflexe ne disparaitra pas. Premièrement, faisons la fête, l’accent circonflexe est maintenu sur les e. Ce sont surtout les i et les u sur lesquels l’accent n’est pas nécessaire qui sont touchés. Ainsi, dans certains mots, on conserve par exemple l’accent circonflexe quand il nous permet de distinguer des homophones (comme « sur » et « sûr », « du » et « dû »), mais on l’enlève de « surement », puisqu’il n’a pas d’utilité concrète.

Nous devons donc encore composer avec des exceptions, oui. Mais les recommandations font passer le nombre d’exceptions de plus de 300 à… 7!

On fait du nivèlement par le bas pour que l’école devienne plus facile. On va écrire au son!

Non, le but des rectifications n’est pas de transformer l’écriture des sons pour limiter les échecs scolaires. Rassurez-vous : nous conservons les 46 façons de transcrire le son |o|! (Oui, vous avez bien lu : 46! o, ô, od, oh, ho, op, au, eau, ôt, aut, ault, eaud, aulx, … êtes-vous convaincus?)

Les rectifications proposées ne dénaturent pas l’orthographe, au contraire : elles la rendent plus logique et cohérente.

On doit tout réapprendre!

Eh non. Les 2 orthographes coexistent, ce qui signifie que vous pouvez choisir d’écrire oignon ou ognon dans une recette, trois cent vingt et un ou trois-cent-vingt-et-un sur un chèque. Il faut toutefois rester cohérent dans un même texte et ne pas y jouer à la fois de la flûte et de la flute!

Pourquoi tant de résistance face à la nouvelle orthographe, alors?

Plusieurs linguistes font référence au prestige et à l’orgueil liés à la maitrise de la langue pour justifier le fait que la nouvelle orthographe ne soit pas adoptée d’emblée par la population. La question de l’orthographe, effectivement, dépasse les enjeux linguistiques pour s’étendre à la sphère culturelle.

La linguiste Marie-Éva de Villers résume bien la situation : « C'est sacré, l'orthographe, et quand on l'a apprise, on ne veut pas perdre ce privilège qu'on a sur les personnes qui ne la connaissent pas très bien[1]. »

Chez En Clair, nous préférons mettre notre maitrise de la langue au service du vivre-ensemble.

La nouvelle orthographe touche directement aux recherches que nous menons sur les propriétés du langage clair. Notre équipe de conseillers et conseillères en simplification se distingue effectivement par la réflexion soutenue qu’elle mène sur les principes de la communication claire et efficace, et comme vous le voyez, nos questionnements s’étendent jusqu’à l’orthographe des mots!

Plusieurs d’entre nous ont une formation en littérature et nous admirons tous et toutes l’œuvre de Marcel Proust. Mais quand vient le temps de rédiger un contrat, un guide ou une lettre de mandat, nous préférons miser sur les vertus du langage clair et de l’orthographe simplifiée pour assurer la compréhension du plus grand nombre. Tout le monde y gagne, et notre langue également.

Et puis, avez-vous compté les mots rectifiés que vous avez croisés au fil de votre lecture?

Mis à part les exemples, il y en a 7! Ce qui représente moins de 1% des mots du texte.

  • Reconnaitre (sans accent circonflexe)

  • Paraitre (sans accent circonflexe)

  • Compte-goutte (avec « goutte » au singulier)

  • Reconnaitra (sans accent circonflexe)

  • Disparaitra (sans accent circonflexe)

  • Nivèlement (avec les lettres « èle » au lieu de « elle » au centre)

  • Maitrise (sans accent circonflexe)

Vous voulez en savoir plus sur la nouvelle orthographe, découvrir les règles qui la régissent et les mots rectifiés?

Sur le Web, vous pouvez visiter :

En librairie, vous pouvez consulter :

  • La petite brochure Millepatte sur un nénufar : vadémécum de l’orthographe recommandée, Renouvo, 2003.

  • Le Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée : cinq millepattes sur un nénufar de Chantal Contant, 2009.

Sources

[1] Dans une entrevue accordée à ICI Première le 1er novembre 2019. https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/tout-un-matin/segments/entrevue/140426/faciliter-accord-participe-passe

 


 
 

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Élisabeth Routhier, Ph. D.

Élisabeth Routhier est titulaire d’un doctorat en littérature comparée et d’une maitrise en sciences de la communication. Elle est passionnée par la langue française et la philosophie du langage.

Dans le cadre de son travail chez En Clair, elle anime des formations en entreprise et réalise des travaux de simplification de contenus spécialisés issus principalement des secteurs financier, juridique et médical.

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